Moins de bitume et plus d’herbe! à lire dans le JDD

avril 15, 2019 dans Actualités, Presse et web par Catherine Baratti-Elbaz

Comment la mairie de Paris veut remplacer le bitume par de l’herbe

La maire de Paris, Anne Hidalgo, compte transformer près de 14 hectares d’asphalte en « trames brunes ou vertes » d’ici 2020. Les principaux sites concernés sont les écoles, les grandes places, les bois et certaines artères routières.

L’heure est au verdissement et à la disparition progressive de l’asphalte à Paris. « Pendant des décennies, les grandes villes ont été bâties sur l’idée qu’il fallait du bitume partout ; cette ère est révolue », veut croire Anne Hidalgo. À un an des élections municipales, la maire de la capitale a demandé à ses équipes d’accélérer les opérations visant à débitumer des milliers de mètres carrés, afin d’en livrer un maximum d’ici à cet été. « Pour répondre au défi climatique et à l’envie de nature des citoyens, nous devons imaginer de nouvelles formes d’urbanité où la végétation et la pleine terre ont toute leur place, défend l’édile. Cela est d’autant plus possible que nous avons réussi à faire baisser de 20% le trafic automobile ces six dernières années. Ce recul de la voiture libère de nombreux espaces à enherber et à planter. »

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8 hectares ont déjà été débitumés dans les rues et les bois

Entre 2014 et 2020, selon l’Hôtel de Ville, 13,5 hectares auront été débitumés dans Paris : 8 hectares ont déjà été livrés (3 dans les rues, 5 dans les bois de Vincennes et de Boulogne) et 4,5 hectares sont en cours de réalisation (2,5 dans les rues, 2 dans les bois). Chiffres auxquels il faut ajouter 1.600 mètres carrés débarrassés de l’asphalte dans les cimetières du Père-­Lachaise, de Montmartre et du Montparnasse ; et 8.000 mètres carrés dans les cimetières parisiens extra-muros. Sans compter les 19 hectares d’espaces verts nouveaux revendiqués par la municipalité, sur les 30 promis pour la fin de la mandature.

« Notre ambition est de développer une trame brune, c’est à dire un réseau de sols de pleine terre, où la vie est présente, parallèlement aux trames vertes de végétation et bleues (la Seine et ses canaux), qui favorisent la biodiversité », explique Pénélope Komitès (PS), adjointe à la maire chargée de la nature en ville et de l’agriculture urbaine.

Objectif : lutter contre les îlots de chaleur urbains

En 2013, 29,6% du territoire ­parisien était constitué de surfaces perméables végétalisées. L’objectif est de passer à 32% en 2020 et à 50% en 2030. « Nous sommes en train de faire une révolution, discrète mais certaine en matière d’urbanisme », s’enthousiasme de son côté Célia Blauel (EELV), adjointe chargée des questions relatives à la transition écologique, au climat et à l’eau. « Depuis la fin des années 1950, les villes étaient organisées autour de la voiture, il fallait tout goudronner, rappelle l’écologiste. Nous avons inversé le mouvement. Nous sommes clairement en avance sur cette question. »

Une façon de dépolluer le fleuve dans l’optique de rendre la baignade possible à l’horizon 2024.

Les élues municipales distinguent trois impératifs justifiant de débitumer la capitale et de la végétaliser. D’abord, tout le monde réclame aujourd’hui plus de nature en ville, un cadre de vie plus agréable, mais aussi une préservation de la faune et de la flore en milieu urbain. Ensuite, l’adaptation au dérèglement climatique nécessite de lutter contre les îlots de chaleur urbains afin d’anticiper les étés caniculaires qui se profilent.

Enfin, il s’agit de mieux réguler les eaux de pluie en désimperméabilisant les sols : l’infiltration des eaux permet de lutter contre la sécheresse et d’éviter les phénomènes de trop-plein des égouts ; une façon de dépolluer le fleuve dans l’optique de rendre la baignade possible à l’horizon 2024.

Une trentaine de « cours d’école oasis » dès l’été 2019

La maire de Paris mise beaucoup sur ses « cours d’école oasis » pour rendre les sols perméables et ­rafraîchir la ville. Trois premières cours ont été ainsi adaptées l’été dernier : le bitume y a été remplacé par un « sol stabilisé », comme dans les aires de jeux afin de laisser l’eau pénétrer. Une trentaine d’établissements – écoles maternelles, primaires et collèges – bénéficieront du même type d’aménagement dès l’été 2019, soit 17.000 mètres carrés dont 2.000 végétalisés. Le potentiel est important, puisque Paris dénombre 662 écoles et 115 collèges publics.

 

A Nation, 4.300 mètres carrés de revêtement goudronné seront retirés.

Autres sites où le macadam est en voie de disparition : les sept places parisiennes actuellement reconfigurées. Entre Bastille et place d’Italie, Gambetta et place des Fêtes, quelque 8.500 mètres carrés de revêtement goudronné doivent être retirés, dont 4.300 mètres carrés pour la seule place de la Nation.

La mairie s’est toutefois heurtée aux réticences des Architectes des bâtiments de France (ABF) sur les places du Panthéon et de la Madeleine : les ABF considèrent que leur aspect minéral doit être préservé. « La doctrine de la ville minérale devra être assouplie », prévient Célia Blauel. « Sinon, la ville deviendra une fournaise », ajoute Pénélope Komitès.

Les rues végétales vont se multiplier

Dans le cadre du « permis de végétaliser », l’adjointe aux espaces verts s’apprête à lancer des « campagnes bisannuelles de débitumage » à l’adresse des habitants, riverains ou associations de commerçants, qui pourront planter en pleine terre et plus seulement au pied des arbres. Trois opérations sont prévues à l’automne, pour commencer : avenue Maurice-Ravel (12e), rue des Coulmiers (14e) et rue de Jessaint (18e).

Mais une vingtaine de chantiers importants sont d’ores et déjà en cours ou sur le point d’être lancés. Des « rues végétales » : Borda (3e), de Sully (4e), Pierre-Haret (9e), Montcalm (18e), Georges-Thill (19e). Des parcours sportifs : rue Louis-Blanc (10e), boulevards de Charonne et de Ménilmontant (11e). Des coulées vertes : quai André-Citroën (15e, 2.850 mètres carrés), rue Binet (18e).

Le boulevard Pasteur (15e) doit aussi être massivement végétalisé (2.715 mètres carrés). Ainsi que le boulevard ­Bourdon (4e, 1.310 mètres carrés) ou ­encore la rue d’Aubervilliers (19e, 1.210 mètres carrés).

Une rivière de 1,4 kilomètre remise à l’air libre

C’est dans le 12e que les trottoirs et les chaussées ont le plus de souci à se faire. « Notre arrondissement est déjà le plus vert de Paris, chaque habitant réside à moins de cinq minutes d’un espace vert », souligne la maire, Catherine Baratti-Elbaz (PS). Les projets de « retour à la terre » y sont nombreux. Tous avant l’été.

Avenue des Terroirs-de-France, le terre-plein central de 300 mètres de long sur 4 de large se métamorphosera en pelouse. Avenue Daumesnil, deux linéaires de 2.000 mètres carrés chacun connaîtront le même sort : le long du viaduc des Arts (900m) ; et plus à l’est, entre les stations de métro Daumesnil et Michel-Bizot (500m), au détriment de plusieurs dizaines de places de stationnement.

#BoisdeVincennes #Paris #Paris12

Dans le bois de Vincennes (12e), deux sites emblématiques vont aussi dire adieu à l’asphalte dans les semaines qui viennent. L’immense esplanade Saint-Louis va « complètement changer de ­visage », indique la maire d’arrondissement : les quelque 2 hectares de cet ancien parking vont se muer en prairie, avec cheminements piétons et cyclistes, la circulation automobile y étant maintenue. Enfin, depuis cette esplanade et jusqu’au lac des Minimes du bois de Vincennes, une rivière de 1,4 kilomètre, aujourd’hui bétonnée, sera remise à l’air libre, libérée de son carcan de bitume.