Se souvenir de tous ceux morts pour libérer Paris

août 25, 2018 dans A la une, A vos côtés, Actualités par Catherine Baratti-Elbaz

Discours prononcé ce 25 aout 2018, devant la Mairie du 12e,

Messieurs les anciens combattants

Monsieur le Commissaire

Mesdames et Messieurs les élus

Mesdames et messieurs

« Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient leur cœur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s’abattant »

Tels sont les magnifiques derniers vers du poème de Louis Aragon  écrit, en 1955, pour l’inauguration d’une rue Groupe-Manouchian, dans le 20e arrondissement de Paris.  « Strophes pour se souvenir », mis en musique par Léo Ferré en 1959 rend hommage aux Résistants du groupe Manouchian qui ont réalisé des centaines d’actions de sabotage à Paris pour contrer l’expansion des nazis et faciliter la victoire des Alliés. Tout cessera par leur brutale arrestation et l’exécution de 23 d’entre eux, au Mont Valérien après que leurs visages aient été placardé dans les rues de Paris par la propagande nazie. De nombreux anonymes déposeront des fleurs au pied des affiches rouges et y écriront : « Oui, à l’armée de la résistance » ou encore « Morts pour la France ».

AFP PHOTO JOEL SAGET

Arsène Tchakarian, le dernier survivant du groupe Manouchian, est mort ce samedi 4 août 2018 à l’âge de 101 ans. En 1947, les condamnés à mort du groupe Manouchian recevront la médaille de la Résistance à titre posthume, mais  apatride, Arsène Tchakarian ne deviendra français qu’en 1958.

De nombreux étrangers présents en France avant la guerre, en particulier ceux qui avaient fui le fascisme et la tyrannie dans leur pays se sont engagés dans la Résistance en France, en particulier à Paris. L’épisode de l’Affiche rouge nous  rappelle la grandeur de leur engagement et leur martyre, pour notre Liberté.

Ces étrangers n’ont souvent pas eu le choix, la Résistance s’est imposée à eux, pas sans peur, pas sans risque, mais souvent comme une évidence. Tous les Parisiens n’étaient pas résistants. Mais dans l’ensemble, ils soutenaient les Alliés, ils écoutaient la BBC, porte ouverte sur l’espoir. Alors en cet été 44 ils sont impatients. Le débarquement en Normandie remonte déjà au 6 juin, celui en Provence au 15 aout. Comment imaginer que l’on laisse encore Paris aux mains des Allemands ?

Pourtant les Américains hésitent à marcher vers Paris. Il faudra les convaincre, car Paris ne peut plus attendre ! Les Parisiens sont impatients. Les grèves se multiplient, le 19 aout la Préfecture de police de Paris est reprise et le drapeau français flotte à nouveau sur ce bâtiment public hautement symbolique. L’état-major américain a pris connaissance de l’insurrection parisienne et les FFI ont réclamé une intervention rapide. Eisenhower décide d’envoyer deux divisions. Les Parisiens ont gagné !

Le 24 aout au soir, la 9e compagnie du régiment de marche du Tchad, appartenant à la 2e division blindée ou Division Leclerc, entre dans Paris.  La Nueve est composée essentiellement de républicains espagnols, ils seront les premiers soldats de l’armée française à rentrer dans Paris.

Enrôlés dans les troupes qui seront de tous les combats, en particulier au moment de la Libération, les soldats coloniaux ont aussi payé un lourd tribut à la guerre contre l’Occupant de la France. Car l’appel aux soldats de l’Empire permettra le « recrutement » de 178 000 Africains et Malgaches et 320 000 Maghrébins entre 1939-1940, beaucoup resteront sur le sol français jusqu’à la Libération. 5 000 tirailleurs africains et malgaches, déserteurs ou évadés des camps de prisonniers, gagnent ainsi les rangs des Forces françaises de l’intérieur et participeront à la Libération du pays.  On comptera 14 Africains parmi les 1030 compagnons de l’Ordre de la Libération, la plus prestigieuse des décorations de la France libre.

Les troupes Nord-africaines sont de tous les combats pour la libération du continent européen, entre autres durant la campagne d’Italie, à Monte Cassino, où s’illustrent les tirailleurs algériens, tunisiens et marocains, ou encore à Marseille, libérée par les tabors marocains, ces unités d’infanterie légères de l’armée d’Afrique composées de troupes autochtones marocaines sous encadrement français.

 

Pourtant, sur les photos de la Libération de Paris, on trouvera peu de ces soldats des colonies dans les troupes françaises, peu de soldats afro-américains non plus. Cette absence est surprenante avec le recul de l’histoire.

Mais les soldats noirs étaient en effet simplement peu nombreux à Paris en août 1944, même s’ils représentaient une part importante des armées françaises y compris de la 2ème DB du Général Leclerc qui comptait pas moins de 22 nationalités différentes.

Mais à cette époque, les Américains pratiquent encore une politique ségrégationniste sur leur sol, et donc aussi dans leurs armées. Ils exigeront en conséquence que le général Leclerc se sépare des 3600 citoyens de l’empire que comptait sa division. Tous se retrouvent contraints de choisir entre la démobilisation et l’intégration d’une division d’infanterie.

 

Dans notre arrondissement, où les traces de l’empire colonial sont très présentes, dans nos rues, au palais de la Porte Dorée, dans le Bois de Vincennes comme ici même dans notre mairie, souvenons nous de ces soldats oubliés, effacés qui n’ont pas tous mené la bataille de Paris, mais qui ont permis qu’elle ait lieu et que Paris soit libre.

Parce qu’il faut se souvenir de toutes les pages de notre histoire, parce que jamais les questions mémorielles n’auront pris une telle importance qu’aujourd’hui, parce que pour faire vivre la Liberté, il faut aussi faire exister l’Egalité et la Fraternité, reconnaissons avec justesse le rôle de chacun.

Comme l’ont assez bien souligné les adolescents de notre centre de loisirs, qui ont réfléchi cette semaine au sens de cette commémoration : si nous sommes tous libres, alors nous devons aussi être tous égaux pour vivre en paix.

En ce 74eme anniversaire de la Libération de Paris, rendons hommage à tous les hommes, venus de l’autre bout du continent, de l’autre coté de l’océan ou encore de l’autre coté de la Méditerranée, morts pour la France, morts pour que Paris soit libéré, morts pour notre Liberté.

Je vous remercie