Faire progresser les droits LGBTQI+ pour une égalité réelle

juin 4, 2018 dans A la une, Actualités, Non classé par Catherine Baratti-Elbaz

Lors du Conseil de Paris des 4, 5 et 6 juin, je suis intervenue sur la Communication sur la stratégie LGBTQI de Paris : Paris, Capitale de toutes les fiertés

 Madame la Maire, mes chers collègues,

J’avais souhaité m’inscrire dans le débat autour de cette communication en premier lieu pour saluer le travail des militants. De la même manière que les hommes peuvent être des militants féministes tout à fait légitimes, les hétérosexuels peuvent aussi se battre contre les discriminations en raison de l’orientation sexuelle. Nous devrions en effet tous être mobilisés pour l’égalité des droits, pour tous et toutes. Tout recul des droits de certains, même s’ils appartiennent à une minorité, nous affaiblit tous collectivement.

 

Mais aujourd’hui c’est avec une émotion particulière que je prends la parole dans ce débat, avec l’envie d’adresser moi aussi mes premiers mots à notre collègue et ami, Jean-Luc Romero-Michel, élu du 12e, qui traverse une terrible épreuve avec la disparition brutale de son mari, Christophe Michel un militant lui aussi. Ensemble, ils ont milité, au nom des droits humains essentiels d’égalité et de dignité, avec une énergie qui force le respect. Je sais qu’il sera sensible aux mots des uns et des autres.

Car c’est à Jean-Luc Romero Michel, Madame la Maire que nous devons une part importante des propositions reprises dans cette communication, suite à la mission que vous lui aviez confiée. Son engagement constant depuis tant d’années, dans différents combats militants pour l’égalité des droits lui confère une expertise reconnue très largement à laquelle nous avons fait appel pour construire notre action.

 

A travers lui, eux, je voudrais donc rendre hommage à tous les militants, engagés dans les nombreuses associations très mobilisées pour les droits des LGBTQI. A chaque combat, à chaque avancée, à chaque nouveau droit acquis, nous progressons tous collectivement dans la République.

Mais nous savons aussi qu’il reste beaucoup à faire et que rien n’est jamais définitivement acquis. Paris, ville capitale, ville des libertés, a un rôle de premier plan à jouer dans ces combats, et vous avez justement intitulé cette communication « Paris, Capitale de toutes les fiertés ».

Comme Maire d’arrondissement depuis 2014, je suis fière d’accueillir et d’aider ces combats dans mon arrondissement, concrètement, au-delà des mots qui sont bien plus faciles à partager que les actes.

 

Cela commence par nos premières missions, celles de célébrer les mariages de tous les couples. Il a fallu former nos agents comme le rappelle justement la délibération, car nous avons depuis la Loi, beaucoup de mariages de couples de mêmes sexes dans le 12e, car les ces couples n’habitent heureusement pas tous dans le marais !

 

Nous avons aussi permis l’installation en 2016 de SOS Homophobie dans le 12e dans des locaux adaptés à leur travail si précieux, mais aussi au stockage de leurs archives. Le 16 mai dernier, nous avons accueilli dans notre salle des fêtes la soirée autour de la publication du rapport annuel de l’association. Car nous pensons avec eux que rendre visibles les discriminations subies pour mieux les combattre est le tout premier de nos enjeux.

 

Je veux aussi saluer le travail du Refuge, installé dans le 12e également depuis de nombreuses années, qui accompagne les jeunes exclus en raison de leur orientation sexuelle, mais ce ne sont pas les seuls à faire ce travail indispensable.

La lutte pour l’égalité des droits passe également par la visibilité des personnes LGBTQI dans notre espace public, la reconnaissance de leur existence et de leur rôle dans notre histoire commune, internationale, nationale et parisienne. Ainsi, à l’occasion de la Journée internationale pour les Droits des femmes du 8 mars 2017, j’ai été particulièrement fière de donner le nom de Gertrude Stein à une place du 12e. Gertrude Stein était une artiste américaine aux multiples talents. Elle était à la fois poétesse, dramaturge, muse et mécène. Elle était aussi une femme libre et lesbienne assumée, fait suffisamment rare en ce début du 20ème siècle pour être souligné.

 

Cette cérémonie de dénomination nous l’avons organisée avec la participation des élèves du collège public Paul Verlaine, avec cette volonté permanente de transmettre et d’éveiller les consciences.

Nous soutenons aussi les interventions en milieu scolaire de SOS homophobie pour lutter contre l’homophobie. Ses interventions sont pédagogiques, respectueuses de la sensibilité du public concerné. Elles se réalisent sous forme d’un débat entre les élèves et les intervenant.e.s où des thèmes comme les stéréotypes de genre et la découverte de son orientation sexuelle sont abordés. Un nombre d’élèves restreint permet une grande liberté de dialogue et la possibilité pour tou.te.s d’aborder les sujets. Ces interventions visent à déconstruire les clichés et à combattre les préjugés car l’homosexualité demeure encore un motif de discrimination, d’exclusion, d’agression parfois très violente pour les adolescents.

 

Je souhaitais également évoquer les questions de santé et de prévention car, nous sommes particulièrement concernés dans le 12e arrondissement par ce sujet avec l’accueil de consultations spécialisées dans nos grands hôpitaux et en particulier à St Antoine comme par la présence de l’association AIDES sur notre territoire, à proximité de la Gare de Lyon qui y développe de nombreuses actions et en particulier de prévention.

Les personnes LGBTQI, dans leur diversité, ont aussi des besoins de santé spécifiques et sont souvent exposées à des inégalités dans l’accès aux soins. Les droits des LGBT ont progressé de façon importante dans ce secteur aussi, mais beaucoup reste encore à faire.

Les personnes LGBTQI sont encore trop souvent exposées très jeunes à l’injure homophobe ou transphobe et font pour beaucoup l’expérience du rejet ou des violences du fait de leur orientation sexuelle ou de leur identité très jeune. Cela nécessite souvent un accompagnement psychologique adapté, très peu accessible en dehors des grandes villes comme la notre. En cela nous devons assumer cette responsabilité de grande ville dans laquelle on peut trouver refuge dans un certain anonymat mais aussi dans l’accueil spécifique par les personnels de santé et l’accompagnement par les nombreuses associations.

On pourrait citer de nombreux exemples d’inégalités d’accès aux soins, la santé agit en effet comme un révélateur social des situations d’inégalité et d’injustice subies par les personnes LGBT. L’écart est grand entre l’égalité formelle, garantie par la loi, et l’égalité réelle, au quotidien. Améliorer la santé des personnes LGBTQI est une question fondamentale bien traitée dans cette communication.

Sur le plan scientifique, d’autres pays comme la Suisse ou l’Allemagne développent et financent depuis longtemps des études sur la santé des LGBT, la France est en retrait en ce domaine. Ce retard français est le reflet de la faible structuration des équipes de recherche dans le domaine de la santé LGBT. Les chercheurs travaillant sur ces enjeux peinent à trouver des financements pérennes. La recherche sur la santé LGBT souffre en effet d’un déficit de la part des institutions concernées.

La Ville de Paris et l’association Vers Paris sans sida, en partenariat avec l’ARS d’Ile de France, se sont engagées à renforcer les moyens de plusieurs services de santé et de prévention pendant l’événement des Gay games, afin que le public des Gay Games puisse trouver facilement une réponse adaptée à ses besoins (écoute, information, accès aux soins, protection, dépistage et prise en charge, dépannage en cas de rupture de traitement VIH ou de PrEP etc.).

Au-delà de ces grands événements, Gay Games comme Solidays, la Ville est présente tout au long de l’année pour renforcer les actions de prévention aux cotés des acteurs associatifs, dont l’action est si précieuse dans ce secteur comme dans d’autres. Mais trop souvent encore, les associations se substituent aux pouvoirs publics, car beaucoup des sujets évoqués dans cette communication, mériteraient une implication renforcée de toutes les collectivités mais aussi de l’Etat, et en particulier face à la montée des violences homophobes et l’accès réel aux droits, comme tout citoyen.