Célébration du 19 mars 1962 dans le 12e

mars 19, 2016 dans A la une, A vos côtés par Catherine Baratti-Elbaz

2016-03-19 12.38.10_resizedEn ce 19 mars 1962, comme chaque année, j’ai invité les habitants du 12e à se retrouver avec les anciens combattants place du 19 mars 1962, proche de la gare de Lyon puis nous nous sommes retrouvés devant la Mairie du 12e, pour une belle cérémonie au cours de la quelle j’ai prononcé le discours ci-dessous.

Monsieur le Président du Comité de la Fédération nationale des anciens combattants en Algérie, Tunisie et Maroc,

Monsieur le Vice-président National de l’Union Française des Associations de Combattants et de Victimes de Guerre,

Mesdames et Messieurs les membres des associations d’anciens combattants,

Madame la Députée, chère  Sandrine Mazetier,

Mesdames et Messieurs les élus,

Mesdames et Messieurs,

 

Je suis honorée de prendre la parole devant vous à l’occasion de ce 54e anniversaire du cessez-le-feu en Algérie, en cette Journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la Guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc.

Aujourd’hui, François Hollande, est le premier président de la République Française à prendre part à cette cérémonie nationale. Par sa présence, il contribue à légitimer cette date symbolique et réaffirme l’importance de la commémoration de l’achèvement de la guerre d’Algérie, il réaffirme  l’importance d’honorer le souvenir des nombreuses victimes de la « Tragédie algérienne » sans pour autant instrumentaliser cette blessure de la Mémoire française.

Après 8 années de guerre, trop longtemps appelées pudiquement « événements », les Accords d’Evian, sont une étape décisive d’un processus de sortie de guerre mené par le général de Gaulle. Comme beaucoup d’autres guerres le retour à la paix a été chaotique et douloureux.

20160319Mais le 19 mars 1962 symbolise le devoir de mémoire des nombreuses victimes de ce conflit : morts et blessés algériens, morts et blessés français, militaires et civils du 1er novembre 1954 au 19 mars 1962 mais aussi les milliers de français et algériens, enlevés et disparus après le cessez-le-feu, sans oublier, les harkis, les rapatriés ni les victimes des attentats perpétrés par l’OAS.  Cette journée peut nous permettre de nous souvenir de toutes ces victimes, de toutes nationalités, de toutes confessions et parmi elles je n’oublie pas les très nombreux juifs. Elle doit nous permettre de rassembler toutes ces mémoires et nous tourner vers l’avenir.

Commémorer ce 19 mars, c’est avant tout rendre hommage à ces innombrables victimes, brisées par le silence et l’oubli : rapatriés, harkis, anciens soldats du contingent, appelés, militaires professionnels, familles endeuillées. Il n’existait pas de solution évidente, de solution facilement acceptable par tous et pour tous en Algérie. Mais l’heure était alors aux Indépendances et la décolonisation était en marche.

La France fût confrontée à un douloureux dilemme, entre la revendication légitime de l’indépendance par de nombreux Algériens et l’attachement profond, viscéral des Français à cette terre si belle.

En ce 19 mars 1962 Français et Algériens décident de mettre nos deux pays sur le chemin de la paix et de la coopération. Coopération qui s’est inscrite dans la durée, tant les liens entre nos peuples étaient forts.

Une coopération plus conforme aux valeurs de notre République, comme en ont jugé les Français eux-mêmes par référendum, le 8 janvier 1961.

Ce 19 mars signe la fin de 132 ans d’une Algérie française mais surtout d’une colonisation qui ne pouvait plus représenter la présence de la France dans le monde.

Nous devons permettre une transmission apaisée de cette douloureuse histoire et ne pas entretenir artificiellement les rancœurs du passé. Aujourd’hui, nous n’avons plus le droit de prendre le risque de diviser encore notre Nation au sujet de querelles mémorielles. Notre Histoire commune doit nous rassembler autour de valeurs partagées.

Le travail de mémoire mené ces vingt dernières années, nous vous le devons, à vous anciens combattants de la Guerre d’Algérie, comme aux nombreux historiens tels que Benjamin Stora, qui n’ont cessé de rechercher le vrai pour parvenir à panser cette blessure.

Nous le devons aussi aux générations issues de l’immigration algérienne qui ont réveillé une histoire douloureuse dans leurs propres combats contre le racisme.

Je me souviens aussi de la pose d’une plaque commémorative à Paris, en 2001, par Bertrand Delanoë pour ne pas oublier non plus, le massacre du 17 octobre 1961, dans notre ville.

Puis celle du 19 mars 1962 que nous avons posée ensemble, à proximité de la gare de Lyon. Cette gare d’où partirent tant d’appelés et d’où ils commencèrent à revenir dès le 19 mars, car cette date est aussi synonyme de retour vers la France et vers leur famille de tous ces jeunes appelés.

Nous avons le devoir de transmettre cette histoire, dans sa complexité, sans mythes ni tabous. Pour cela nous devons la regarder avec lucidité. Nous ne devons nier aucunes des mémoires particulières souvent très douloureuses, mais nous devons relever le défi de la mémoire collective.

En ce début de 21eme siècle, 54 ans après, notre enjeu est de lutter contre l’oubli, mais surtout la réécriture partisane de l’Histoire. Il nous faut construire cette mémoire objective qui mettra fin à cette guerre des mémoires.

Les débats d’aujourd’hui montrent que le risque de la division, de la séparation, de la communautarisation des mémoires est bien réel. Comme si la guerre d’Algérie continuait dans les têtes, les cœurs et les mémoires.

Aujourd’hui même, je le constate et le regrette, certains boycottent cette cérémonie, pourtant la date du 19 mars 1962 rallie la majorité d’entre nous.

La multiplicité des victimes de cette guerre, les liens forts qui nous unissent au peuple algérien, nous impose de refuser toutes les formes d’instrumentalisation de cette mémoire.

C’était le dessein pourtant affiché, de la proposition à l’origine de cette commémoration, adoptée en 2012.

Cette date ne nie aucune histoire, aucune douleur, elle est empreinte du souvenir d’une guerre cruelle pour les uns comme des drames et déchirements des autres.

En particulier cette proposition n’oublie pas la douleur ressentie par les Français d’Algérie rapatriés, brisés par l’abandon de leurs terres et de leurs racines ainsi que le lourd tribut payé par les harkis au terme de cette guerre.

Il nous faut désormais lever tous les obstacles à la cicatrisation des blessures de l’Histoire afin d’établir une mémoire commune qui contribue à définir notre Nation et qui permette d’envisager un avenir serein pour la jeunesse de France et d’Algérie qui doivent construire un avenir commun.

Ensemble, ici devant notre Mairie, comme tout à l’heure sur la place du 19 mars 1962 de notre arrondissement, nous avons contribué ensemble à apaiser cette partie de notre l’Histoire.

Je vous remercie.