8 mai 1945 : se souvenir de la guerre pour mieux construire la paix en Europe

mai 8, 2017 dans A la une, A vos côtés par Catherine Baratti-Elbaz

Retrouvez ici mon discours du 72e anniversaire de la victoire du 8 mai 1945
Monsieur le Président du Comité d’entente des associations d’anciens combattants du 12e arrondissement,

Mesdames et Messieurs les membres des associations d’anciens Combattants,

Mesdames et Messieurs les anciens résistants,

Monsieur le Commissaire, Monsieur le Capitaine,

Madame la Députée, Mesdames et Messieurs les élus,

Mesdames et Messieurs,

Nous sommes réunis à l’occasion de ce 72e anniversaire du 8 mai 1945 pour commémorer la Victoire en Europe des Alliés sur les forces de l’Axe. Cette capitulation a mis fin à l’une des périodes les plus sombres de l’histoire de l’humanité. Une guerre commencée sur notre continent, mais qui a bouleversé le monde entier.

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Commémorer cette victoire, c’est également se rappeler des défaites qui l’ont précédé ainsi que des errances qui les ont nourri.

Car si  «  les vivants ne peuvent plus rien apprendre aux morts, (…) les morts au contraire, instruisent les vivants » comme l’écrivait Chateaubriand.

72 ans après, la France se souvient- nous nous souvenons- de toutes celles et ceux qui payèrent de leur vie, le prix de la Liberté, combattants militaires ou résistants. Mais c’est aussi tous ceux qui ont été exterminés car  nés homosexuels, tsiganes ou juifs.

Je suis fière que notre arrondissement donne à l’un de nos gymnases le nom de Victor « Young » Perez né en 1911 à Tunis. Ce jeune sportif juif, franco-tunisien, figure mondiale de la boxe,  champion de France puis du monde poids mouche, qui a été fauché à 33 ans, le 22 janvier 1945, par la barbarie nazie au cours des marches de la mort, après avoir survécu deux ans dans le camp d’Auschwitz.

Car nous ne devons jamais oublié que cette guerre est unique par son ampleur, sa violence, et ses 60 millions de morts.

Rappelons-nous que cette victoire est celle de millions de combattants issus de tous les continents. Car on est venu de loin mourir pour la France. Nous leur sommes redevables car ils sont tous des artisans de cette victoire. Ces armées visibles et invisibles, d’hommes et de femmes ont donné leur vie pour qu’arrive ce jour de liberté, tant attendu.

Aujourd’hui avec vous je voudrais célébrer cette France qui a dit non, cette France qui s’est levée et qui a refusé la défaite, celle qui a suivi le Général Charles de Gaulle, mais aussi celle qui a désobéis au quotidien aux Lois de Vichy, celle qui a pris le maquis, celle qui a œuvré dans l’ombre sur le sol français ou depuis nos anciennes colonies. Ces hommes et ces femmes, de toutes les générations, de toutes les conditions sociales, ces civils comme ces militaires, ces ouvriers comme ces intellectuels, ont eu le courage de dire non, de refuser le fascisme et ses idées incompatibles avec les valeurs universelles de notre République.

Ces hommes et ces femmes qui ont donné leurs vies, étaient habitées par des convictions, un courage et une volonté, dont le sursaut a sauvé notre pays. Car cette volonté ne s’est pas arrêtée à la victoire militaire, cette victoire a été également idéologique.

« Un jour viendra, j’en ai la ferme espérance, où la France verra de nouveau s’épanouir, sur son vieux sol béni déjà de tant de moissons, la liberté de pensée et de jugement. » disait Marc Bloch, éminent historien français, dès 1940. Fusillé par les Nazis, en juin 1944, il ne verra pas la Victoire du 8 mai, celle de la liberté sur le nazisme.

Alors en ce 8 mai 1945, c’est une vague de bonheur qui submerge Londres et Paris. Une journée de liesse collective à la mesure des peurs quotidiennes et des privations imposées dont la guerre était encore synonyme.

L’ennemi est définitivement terrassé. Mais la paix est loin d’être acquise. Car après avoir gagné la guerre, il faut savoir construire la paix.

En ce mois de mai 1945, la France est dévastée, en proie à toutes les souffrances. C’est la découverte de l’horreur des camps nazis, le retour des prisonniers, déportés et travailleurs forcés.

Le peuple est encore ravagé par les peurs de la guerre civile, les conflits de réparation, les procès d’épuration.

Comment oublier les visages de ces femmes tondues, victimes de la vindicte populaire, de la « justice virile »?

Les fractures de la société française sont à vif, le territoire est dévasté par les combats de la Libération, l’économie est au plus mal.

C’est dans ce contexte que va renaitre une France Nouvelle : une réforme des institutions décidée par le peuple, un nouveau modèle social et économique imaginé par le Conseil National de la Résistance qui donnera de nouveaux droits, créera de nouvelles solidarités fondatrices de notre modèle social.

 

A l’heure où l’Europe est soumise à tant de forces centrifuges, où elle doit rester unie pour faire face à la montée des nouveaux extrémismes, où elle doit relever de nouveaux défis, rappelons nous de cet espoir extraordinaire qui s’est levé en mai 1945.

Après ce 8 mai 1945, les peuples européens souffriront encore de nombreuses années avant de reconstruire leurs pays et panser toutes les plaies. Le bilan humain et matériel des six années de guerre est très lourd et les économies européennes sont lourdement frappées.

Les destructions d’habitations et d’infrastructures, les appareils productifs sont totalement détruits.

 

De ces victimes de la seconde guerre mondiale, de ces souffrances si douloureuses à cicatriser, naîtra pourtant la conviction profonde qu’il fallait créer des solidarités culturelles et économiques entre européens pour dresser des remparts humains et institutionnels contre toute tentation de conflit armé. Rappelons-nous les mots des pères fondateurs de l’Europe construite pour une paix durable entre des peuples européens qui seraient enfin réconciliés, prononcés par Robert Schuman le 9 mai 1950 :

« La paix mondiale ne saurait être sauvegardée sans des efforts créateurs à la mesure des dangers qui la menacent.

La contribution qu’une Europe organisée et vivante peut apporter à la civilisation est indispensable au maintien des relations pacifiques. En se faisant depuis plus de vingt ans le champion d’une Europe unie, la France a toujours eu pour objet essentiel de servir la paix. L’Europe n’a pas été faite, nous avons eu la guerre ».

 

Tous les pères fondateurs partageaient cette même expérience des guerres, des effets négatifs et pervers du protectionnisme. Ces parcours communs ont fait naître chez ces hommes d’État, la vision d’une Europe unifiée comme vecteur de paix. Réconcilier la France et l’Allemagne pour désamorcer toute renaissance d’une rivalité séculaire qui avait fait déjà tant de victimes. Une utopie qu’il nous faut entretenir et consolider.

Les débats de ces dernières années jusqu’à encore ces derniers jours, nous rappellent que face à la progression de l’extrémisme, nous devons être à la hauteur de ces combattants de la liberté, pour ne pas « trahir le passé » et encore moins « hypothéquer l’avenir ». Alors, à l’image de cette France qui a dit non, garantissons la paix en Europe, et ré-enchantons l’aventure européenne.

 

Je vous remercie.